Attention! Suffisance, un vrai défaut à corriger

Intervew avec coach Malgorzata Saadani pour Le Matin:
https://lematin.ma/journal/2018/attention-suffisance-vrai-defaut-corriger/296652.html
Tout comme le manque de confiance en soi, la suffisance est une attitude très fréquente en milieu professionnel. Pourriez-vous nous en dire plus ?
Certainement. A l’opposé du manque de confiance en soi, la suffisance est un vrai défaut qui peut mener à des situations fâcheuses. Cet excès de confiance en soi mal placée, voire même une attitude orgueilleuse et dédaigneuse apparaissent lorsque la personne perd l’habitude saine de remettre en question ses certitudes (à ne pas confondre avec le doute et l’hésitation). De là, elle ne mesure pas les risques et fonce la tête baissée vers la direction qui lui semble être la seule juste.
Concrètement, quels sont les traits de caractère de ce type de profil ?
La suffisance concerne le plus souvent deux catégories de personnes : soit inexpérimentées et donc inconscientes de leurs lacunes, soit très expérimentées qui estiment avoir déjà tout vu et tout vécu et qui n’admettent pas qu’elles peuvent être encore surprises par la vie. Dans les deux cas, ce profil est très sûr de soi et de ses décisions qui peuvent s’avérer erronées par manque de concertation et d’écoute.
Aujourd’hui le développement de cette dérive est très encouragé par tout type de discours dits « de motivation » qui poussent les gens à croire à fond en leurs idées et à les réaliser à n’importe quel prix, sans y poser un regard critique rationnel, ni observer ou écouter autour de soi. On leur dit qu’il n’y a que la volonté qui compte. C’est vrai que le volontarisme et l’obstination sont nécessaires pour persévérer et réussir mais l’analyse des risques et l’honnêteté intellectuelle existent aussi et méritent d’être pris en compte.
Personnellement, je pense que les extrêmes ne sont bons ni dans un sens, ni dans l’autre.
Dans quelle mesure la suffisance nuit-elle aux relations professionnelles et à la cohésion de l’équipe ?
Je viens d’évoquer le manque de dialogue et la sourde oreille à l’argumentation. Y a-t-il quelque chose de pire pour la cohésion de l’équipe ? Dans la version « optimiste » le collaborateur suffisant sera compétent et donc commettra rarement des erreurs. Par contre, s’il s’agit de quelqu’un qui manque d’éléments de jugement ou de compétences – l’échec est au rendez-vous. Le pire, c’est que la personne trop confiante en elle-même n’en tirera même pas d’enseignements parce que dans son monde elle ne se trompe pas, et elle cherchera des fautifs sur qui rejeter son propre échec.
Côtoyer un tel profil est frustrant surtout pour ceux dont les connaissances et l’expérience sont supérieurs, et qui doivent assister impuissants à une décision lourde de conséquences qu’ils voyaient arriver inévitablement.
Dans son aspect purement humain, même si la personne suffisante a raison, sa manière de faire est irritante pour les collègues. Ils ne l’apprécient pas et font parfois de la résistance par pure envie de la contredire ou de lui mettre les bâtons dans les roues.
Comment composer avec ce type de profil ?
En un mot – c’est compliqué. Et dépend du profil de la personne trop confiante en elle-même. Si c’est un jeune collaborateur juste inconscient de ses lacunes – il suffit de le recadrer doucement sur le plan comportemental et de vérifier les faits qu’il avance pour ne pas se laisser induire en erreur par un élément d’information biaisé.
Si c’est un responsable – la situation est plus délicate parce qu’une décision prise par lui aura un impact sur toute l’équipe et sur l’entreprise. Si on voit une erreur d’appréciation évidente, il faut faire tout pour exposer ses arguments et essayer de convaincre.
Comment le recadrer sans le blesser ?
Indépendamment du profil et des sensibilités, il faut être fin diplomate et ferme en même temps. D’ailleurs, le recadrage l’est toujours quelle qu’en soit la raison ! Dans la situation qui nous intéresse, le plus difficile serait d’assister impuissant à un échec prévisible qui aurait pu être évité à condition de se poser des bonnes questions.