Quand la motivation passe avant les compétences

Interview avec coach Malgorzata Saadani pour “Le Matin”:
https://lematin.ma/journal/2018/motivation-passe-competences/284705.html
La motivation constitue un facteur clé de recrutement. Pourriez-vous nous en dire plus ?
Logiquement ça devrait être le cas, mais malheureusement les recruteurs se penchent sur cette question une fois après avoir éliminé une partie des candidats sur la seule base de leurs CV. Si vous n’avez pas le nombre d’années d’expérience requis où si vous n’êtes pas titulaire d’un diplôme spécifique, peu seront ceux qui s’intéresseront à votre motivation.
Bien sûr, il existe des secteurs d’activité où la base académique est absolument incontournable (p.ex. dans le domaine technique, juridique ou médical), mais beaucoup de métiers peuvent être parfaitement appris sur le tas, avec l’appui de la formation continue et du mentoring, tout en bénéficiant d’une base générale des connaissances. L’exemple classique dans ce sens nous est fourni notamment par l’hôtellerie et le commerce où les perspectives de carrière sont nombreuses et ouvertes à tous les candidats motivés.
Aussi, dans le processus de recrutement, on limite parfois la motivation à « la lettre de motivation » qui est le plus souvent une tentative maladroite de plaire, rédigée en langue de bois, voire standardisée copiée-collée et qui n’exprime pas la véritable motivation du candidat.
En processus de recrutement, certains recruteurs s’intéressent d’abord à la motivation du candidat et non aux compétences. Qu’en pensez-vous ?
C’est une approche plutôt anglo-saxonne et très pragmatique, surtout lorsqu’il s’agit de trouver un collaborateur fidèle à long terme.
Bien sûr, il existe toujours les exigences de départ nécessaires à tout emploi, mais je pense que davantage de souplesse dans ce domaine donnerait un peu plus de fraîcheur au recrutement. Et certainement plus de chances à tous ceux qui ne sont pas en mesure de présenter un diplôme, pourtant ils peuvent apporter beaucoup à l’entreprise de par leur volonté de réussir.
D’ailleurs, engager un candidat sur la base de motivation pour exercer un métier qui peut être appris en travaillant, c’est même plus rentable que recruter un diplômé parce que chaque entreprise a ses spécificités de fonctionnement qui nécessitent une période d’adaptation à tout profile de personne, indépendamment de son parcours.
Comment un recruteur peut-il vérifier la motivation du candidat ?
Le meilleur moyen reste un entretien intelligent effectué par une ou plusieurs personnes expérimentées venant de l’entreprise et connaissant bien sa spécificité, ses équipes et sa culture.
Cet entretien peut également être confié à un cabinet spécialisé externe, faut-il encore bien choisir ce délégataire compte tenu son réseau et ses moyens d’évaluation.
Dans les deux cas précités, l’entretien en présentiel peut être complété par des tests de personnalité professionnels et dédiés (pas un simple QCM trouvé sur internet) ou le processus d’assessment.
Vos conseils.
Bien sûr, le mieux serait d’avoir les deux : les diplômes et la motivation, mais très souvent les personnes titrées et expérimentées ont beaucoup de prérequis et des exigences, avant d’être motivées. Elles posent la question « Qu’est-ce que l’entreprise peut m’offrir ? » et non « Qu’est-ce que j’apporterai à l’entreprise ? »
Aussi, je pense que les entreprises, au lieu de se lamenter sur l’écart entre les compétences des candidats et les exigences des postes à pourvoir, pourraient plus souvent embaucher sur la base de motivation et ensuite former, challenger, fidéliser, proposer un plan de carrière. Voir en candidat un Humain et non une compétence ambulante. Ça changerait vraiment beaucoup de choses sur le marché de l’emploi parce que les gens motivés cherchent le travail pendant que les autres cherchent un salaire.
Cette approche donne plus de chances aux candidats peu diplômés ou ceux qui veulent changer de métier en cours de carrière. Ainsi, elle évite de mettre les gens dans des cases, une fois pour toute la vie professionnelle.