
Quels sont les repères pour reconnaître la manipulation ?
Nous pouvons définir la manipulation en tant que l’influence non éthique visant à profiter d’une personne (ou d’un groupe) en se servant de son niveau de connaissances insuffisant ou de son état émotionnel fragile, en l’amenant à adhérer aux opinions ou à prendre des décisions contraires à son propre intérêt, pouvant avoir des conséquences néfastes pour lui à court, moyen et long termes. La manipulation peut être délibérée et minutieusement préparée, ou au contraire, totalement spontanée.
Le premier signe d’alerte chez la victime potentielle est un malaise ressenti dans une relation avec le manipulateur et le constat d’un engagement dans les projets auxquels – au fond – elle n’a pas du tout envie de participer. Viennent ensuite les dommages concrets subis à cause des décisions erronées.
Pourquoi est-on si vulnérable à la manipulation ?
Les racines de notre vulnérabilité se trouvent dans la nature humaine et ses besoins profonds : le désir d’être apprécié, reconnu, aimé ; l’envie du bon relationnel social, familial et professionnel ; la crainte d’être désavoué, rejeté, écarté. En un mot : ce sont les émotions qui sont à la base d’une manipulation efficace. Ces mécanismes sont bien connus chez les professionnels dont le métier consiste à convaincre : les vendeurs, les publicitaires et tout un chacun dans son métier où il a besoin de convaincre et rallier les gens à ses idées. Il existe cependant une grande différence entre « convaincre » et « manipuler », et c’est la bonne ou mauvaise intention, le respect ou non de la personne en face et de son intégrité.
Comment se défendre et recadrer son interlocuteur face à un tel acte ?
Premièrement, il faut être extrêmement attentif à la nature et aux raisons de nos propres engagements. Le mieux à faire en cas de doute, c’est de recadrer toujours vers notre objectif visé dans une situation donnée, qu’il soit de nature matérielle ou sentimentale. Ensuite, adopter en pratique la posture assertive qui vise à se faire respecter par l’autre, tout en lui témoignant du respect. Poser une limite claire, factuelle et exprimer le refus en utilisant les termes adéquats.
Et enfin, il faut savoir se retirer d’un engagement estimé comme inutile ou nocif. De cette façon, nous montrons que nous ne sommes pas une victime docile, même s’il nous arrive de commettre une erreur de jugement. Cependant, dévoiler le jeu d’un manipulateur au grand jour peut aussi être risqué, hautement désagréable et parfois impossible, compte tenu l’impact social, p. ex. lorsqu’il s’agit d’un membre de la famille proche ou d’un supérieur hiérarchique.
Le recours à un coach est-il toujours recommandé pour mieux gérer cette situation ?
Je ne dirais pas « toujours », mais ça peut être utile et dépend du besoin ressenti individuellement. Ce qui est sûr, c’est que face à un manipulateur expérimenté on se sent souvent seul au monde. D’ailleurs, isoler sa victime et l’en convaincre est l’un des stratagèmes les plus utilisés en manipulation. En parler avec quelqu’un de neutre et professionnel permet alors de voir plus clair dans le jeu et trouver les solutions plus rapidement.
Vos conseils
La manipulation, tout comme l’argumentation éthique, est toujours basée sur le fonctionnement des techniques d’influence sociale répertoriées par le sociologue américain Robert Cialdini, au nombre de six : réciprocité, conséquence et engagement, preuve par la masse, rareté, sympathie et autorité. C’est en sachant comment fonctionnent ces règles sur le psychisme humain et en étant conscient de nos propres valeurs et sensibilités que nous pouvons repérer plus facilement une tentative de manipulation et de nous défendre.
En même temps, il faut garder du bon sens et de la bonne foi dans les relations avec des gens : ce n’est pas parce qu’ils cherchent à nous convaincre qu’ils sont nécessairement malveillants. Le plus important, c’est d’avoir la capacité de raisonnement pour bien évaluer les situations qui paraissent douteuses.
Malgorzata Saadani