Le collaborateur «déterminé», un atout à gérer avec soin
L’interview exclusive de coach Malgorzata Saadani pour Le Matin:
https://lematin.ma/journal/2020/collaborateur-determine-atout-gerer-soin/350391.htm
Eco Conseil : L’entreprise est le milieu socio-professionnel où cohabitent différents profils, y compris celui qu’on qualifie de «déterminé». Concrètement, comment l’identifier ?
Malgorzata Saadani : Vous avez raison de souligner la diversité des profils en entreprise. C’est un fait, et c’est aussi une vraie richesse de compétences que certaines entreprises oublient parfois de cultiver, en préférant une solution de facilité, à savoir la communion dans la ressemblance qui, en finalité, appauvrit les échanges. Le profil «déterminé» est assez facile à repérer parce qu’il n’est pas du genre discret : il a ses objectifs et il fait tout pour les atteindre. Homme ou femme, il est persévérant, ne se laisse pas décourager et peut devenir un vrai facteur de mobilisation de ses collègues.
S’agit-il d’un trait de caractère ou plutôt d’une qualité que chacun peut développer dans son parcours ?
Comme pour chaque compétence personnelle, il y a toujours un peu des
deux : si c’est inné, il faut être juste vigilant à préserver un bon niveau de souplesse et la capacité d’adaptation, si cela s’avère nécessaire. C’est aussi de l’acquis, surtout avec l’expérience : quand on se rend compte qu’il ne faut pas lâcher prise trop vite et chercher toujours à recadrer vers son objectif pour obtenir le résultat, même si le chemin est plus difficile ou plus long que prévu.
Par quels moyens peut-on opérer la différence entre détermination dans son sens positif et entêtement «aveugle» ?
Je pense que nous pouvons le constater surtout grâce au taux des objectifs atteints à moyen et long termes. J’insiste sur cette perspective, car parfois les objectifs atteints à tout prix peuvent paraître intéressants dans l’immédiat et avoir des conséquences négatives à plus long terme. L’exemple le plus simple c’est la fidélisation de la clientèle : un vendeur peut avoir les ventes saisonnières très intéressantes, mais obtenues grâce à la tromperie cachée (la qualité du produit qui se détériore rapidement, les clauses du contrat en petites lettres qui réduisent les avantages du client, etc.) Un autre risque c’est la détérioration de l’ambiance au sein des équipes à cause de la compétition interne.
Dans quelle mesure le profil déterminé permet-il à l’équipe de gagner en performance et en efficacité ?
Le profil «déterminé» est une vraie force motrice de l’équipe, surtout en situation de crise. Il ne se décourage pas facilement, et si en plus il est créatif dans le contournement des obstacles, c’est un vrai trésor. Quand les autres ont des doutes ou se découragent face à la difficulté, le collaborateur déterminé reste concentré sur l’objectif à atteindre et montre l’exemple à ses collègues. À ce titre, il les recadre et peut même prendre le leadership de l’équipe, ne serait-ce que temporairement. Cet effet fédérateur, s’il est authentique et durable, contribue ensuite à une meilleure cohésion et un relationnel soudé qui démarque l’efficacité collective.
Quels sont les risques qui peuvent surgir dans une équipe comportant un tel profil ? Comment les gérer ?
Le premier risque qui me vient à l’esprit, c’est l’entêtement excessif du «déterminé» assimilé à la rigidité dans ses actes : réaliser son plan c’est bien, mais il faut toujours tenir compte des circonstances qui peuvent changer entre-temps. Donc ignorer les conditions qui ont changé et appliquer la même stratégie coûte que coûte peut s’avérer inefficace et, surtout, frustrant.
Le deuxième risque ce sont les tensions qui peuvent apparaître au sein de l’équipe lorsque les autres membres ont un avis différent et n’arrivent pas à convaincre la personne «verrouillée» sur son objectif de modifier son approche.
Enfin, le troisième risque c’est celui que l’objectif individuel d’une personne ambitieuse et déterminée ne soit pas aligné avec l’objectif collectif, celui de l’équipe ou de l’entreprise dans son ensemble. En d’autres termes : le «déterminé» joue sa carrière en solo. Je pense que la gestion d’un tel profil demande une certaine diplomatie et l’expérience de vie de la part d’un manager pour préserver l’efficacité collective, d’une part, et donner une marge d’autonomie aux collaborateurs à forte personnalité, d’autre part. Le manager doit être assertif pour bien poser les limites de l’autonomie de chaque collaborateur, en lui laissant une marge de liberté dans le respect du cadre général défini pour tout le monde.