Les attentes bien formulées dès le départ permettent de mieux mesurer les écarts. Il est important de prendre le temps, de bien préparer ses arguments et d’identifier précisément les faits répréhensibles avant de convoquer une réunion.
Formuler un reproche n’est pas toujours facile. Sans précaution, on peut avoir le contraire du résultat escompté. Les explications de Malgorzata Saadani, coach certifiée ICC et fondatrice du cabinet ANC communications.
Formuler des reproches ou exprimer certaines attentes, ce n’est pas toujours facile pour un manager. Comment faut-il s’y prendre ?
Avant de parler des reproches, il est toujours utile de se remémorer les obligations (formelles et morales) des personnes concernées, dans le contexte professionnel : aussi bien celles du manager que celles des membres de son équipe. Leur travail consiste à effectuer les tâches «métier» comme par exemple préparer le bilan annuel, faire les compte-rendus des réunions ou convaincre les clients potentiels d’acheter les produits de l’entreprise. Et en même temps, ils sont également tenus d’avoir un comportement conforme aux attentes de la société : être courtois et ponctuel, soigner son image, communiquer avec précision, observer les règlements internes.
Je dirais donc que formuler clairement les attentes («Le projet du budget prévisionnel doit être présenté avant le 30 septembre») et les règles du jeu («Pour travailler dans un cabinet médical, il est indiqué de porter une blouse blanche, changée chaque jour») est un préalable pour toute réclamation ultérieure. Ensuite, le premier pas, le plus important lorsqu’il s’agit de faire des reproches, est de s’assurer de la réalité des faits. Sans a priori ni engagement émotionnel, on doit dresser un tableau neutre de la situation : Quel projet n’a pas été effectué dans les délais ? Qui sont les personnes ayant travaillé là-dessus ? Quel est l’état actuel de l’avancement?
Quels sont les pires défauts des managers en matière de reproches ?
Le défaut qui a des conséquences particulièrement dévastatrices, c’est de faire des reproches personnels («Vous êtes incompétent !») au lieu des factuelles («Le dossier que vous avez préparé est incomplet»).
Un autre piège est de confondre les faits (objectifs, mesurables, inchangeables) dans le temps : («Les plans ont été fournis le jour tel») avec les jugements (subjectifs et changeables : «Les plans ont été fournis en retard et manquent de précision»).
Lorsqu’il s’agit des défaillances ou des risques majeurs pour l’entreprise qui peuvent résulter du mauvais comportement d’un employé, le tempérament peut parfois faire réagir le manager sous le coup de la colère sans vérification de l’exactitude des faits, avec les dégâts qui en résultent : les mots déplacés, le ton agressif, l’exagération dans l’argumentation, les reproches personnels et même l’injustice quand il s’agit des reproches adressés à la mauvaise personne.
Comment faire pour identifier les signes d’un mauvais management ?
A l’inverse, à quoi reconnaît-on un manager qui sait donner un feed-back dur et honnête, et en même temps se faire apprécier par ses collaborateurs pour la qualité de sa communication ? Tout d’abord, par le niveau du dialogue professionnel, basé sur les faits et mené selon les critères clairement établis…Valeurs de l’entreprise et règles de conduite générales: le respect et la courtoisie. Qui dit «dialogue», dit aussi «l’écoute», aidée par les questions pertinentes : stimulantes et ouvertes – celles auxquelles il est impossible de répondre par un simple «oui» ou «non».
Un discours descendant, c’est-à-dire sans un échange franc et direct, mine la confiance des équipes dans leur dirigeant, aboutit à des taux d’erreurs et d’absentéisme élevés et génère une mauvaise ambiance sociale, et, à long terme, un turnover important.
Pouvez-vous citer un exemple de remise en question constructive ?
A juste titre, vous avez employé le mot «question» car la bonne interrogation est à la base de toute démarche visant le changement authentique et durable. Une fois les faits et les responsabilités établis, le manager a plusieurs options. Il peut recadrer et donner un ordre direct qui sera exécuté, avec plus ou moins d’enthousiasme, mais sans impact pérenne. Sans discussion ou explication approfondie, il obtiendra au mieux l’exécution de sa consigne, et rarement l’adhésion de l’employé et son engagement futur. Au contraire, s’il lui pose une question pertinente poussant à réfléchir et chercher des solutions, notre manager multiplie les chances d’amélioration chez son collaborateur. «Quelle est ta proposition de solution du problème ?», «Qu’est-ce que tu comptes obtenir grâce à ça?», «De quoi manques-tu pour réaliser ta mission ?» ou encore «En quoi concrètement puis-je t’aider?» sont les exemples de ce type de questions ouvertes. C’est précisément à ce moment que le manager fera aussi preuve de sa capacité d’écoute et de son habilité à complimenter d’une manière mesurée et fondée les initiatives qui lui seront exposées. Sans nécessairement les accepter et les mettre en œuvre, mais pour transmettre à son interlocuteur le message sous-entendu: «Je t’entends et j’apprécie tes efforts». Cela paraît simple, à quelques exceptions près. La première, c’est que le plus souvent la critique se fait «à chaud» et à ce moment les personnes concernées peuvent manquer de recul pour discuter calmement et factuellement. La deuxième, c’est le préalable de la bonne foi du manager et de l’employé. Et enfin la troisième, c’est le facteur temps qui est la ressource la plus contraignante. Parfois, c’est la nature de la situation qui la rend urgente. Par exemple, quand la vie et la sécurité des hommes et des équipements est en danger.
Indépendamment de ces cas particuliers où la vraie urgence l’emporte sur le recul, l’entreprise contemporaine met aussi la pression sur tous les profils des équipes afin de produire davantage et toujours plus vite, en ne laissant pas aux managers beaucoup de temps à consacrer à ces moments d’échanges interpersonnels si nécessaires à la bonne gestion d’une autre ressource inestimable qui est le Capital Humain.